STATUT GÉNÉRAL

Nicheur en petits nombres en Dombes. Hivernage essentiellement observé, en effectifs variables, en Dombes et sur le Rhône.

CYCLE ANNUEL

Le passage prénuptial est noté en Dombes dès le début de février, occasionnellement à la mi-janvier ; il culmine en février (plus grosse troupe : 1000 le 25 février 1984 à Birieux) ou au tout début de mars et se prolonge jusqu’au 15-20 mars selon les années.

La reproduction du Morillon est généralement la plus tardive des Anatidés dombistes. Ainsi, sur la période 1981- 1988, les premières éclosions ont été notées entre mi-mai et le 10 juin, mais elles peuvent être observées beaucoup plus tard dans la saison : le 24 juin en 1999, le 30 juin en 2012, le 3 juillet en 1998, le 5 juillet en 1993, le 8 juillet en 2013, le 12 juillet en 1996.

En 2005, 57 % des jeunes morillons dombistes étaient incapables de voler le 1^er septembre et ce pourcentage atteignait 80 % en 1991 ; des poussins en étaient toujours incapables le 16 septembre 2001 à Saint-Nizier-le-Désert, le 24 septembre 1998 à Chalamont et un jeune âgé de vingt jours seulement le 3 septembre 2013 à Birieux n’aurait pas pu s’envoler avant les premiers jours d’octobre.

Les données recueillies par l’O.N.C.F.S. en 2005 (BROYER, 2005) indiquent que, sur un échantillon de 78 étangs (856 ha), la densité en couples cantonnés est de 0,3 couple / 10 ha alors que la densité de familles n’est que de 0,1/10 ha, cette dernière valeur étant d’une remarquable stabilité depuis 1994.

En règle générale, on ne compte guère plus d’une famille par étang où la reproduction de l’espèce est constatée. Il existe toutefois de notables exceptions. Ainsi, les vingt-cinq familles vues en 2011 n’occupaient que six étangs (dont quinze pour le seul Grand Birieux). Le graphique ci-dessous présente l’Indice de grégarité de l’espèce en Dombes (Indice de grégarité = nombre total de familles / nombre d’étangs avec au moins une reproduction de l’espèce).

En Dombes, les familles (n = 437, entre 1963 et 2013) comptent en moyenne 5.65 jeunes (tous âges confondus) : 6.15 pour la période 1963-2000 (n = 304) mais seulement 5.45 pour les années 1990-2000 et 4.52 pour la période 2001-2013 (n = 133) avec des valeurs minimales de 3.28 en 1994, 3.4 en 2001, 3.63 en 1999 et 3.71 en 2005 et 2007. Des familles de 13 et 16 poussins résultent probablement de la ponte de plusieurs femelles dans le même nid ou d’un phénomène de crèche. Quelques cas de parasitisme ont été signalés aux dépens de pontes de canards colverts ou de fuligules milouins mais le Morillon est lui-même parfois parasité par des canards chipeaux ou des nettes rousses (voir cette espèce).

Après le départ des nicheurs, un creux est noté de la mi-septembre à octobre. Ensuite, les hivernants arrivent en novembre pour être les plus nombreux en janvier. Sur le haut Rhône (de la frontière suisse à Lagnieu), jusqu’à 7183 oiseaux ont été observés à la mi-janvier 1988. En Dombes, hivernent en moyenne 301 individus, avec des extrêmes de 0 (en 1979, 1987, 1997 et 2010) et 817 (en 2008), sans tendance marquée.

Présences de fuligules morillons en période hivernale

REPARTITION

Hors Dombes, des certitudes de reproduction n’ont été apportées qu’en de très rares cas : à l’Etournel (01-74), la seule reproduction observée, en 1993, concernait un cas de parasitisme vis à vis d’une cane Colvert. Une famille comptant 10 jeunes a été observée à Massignieu-de-Rives en juin 2013. Ailleurs (Plaine de l’Ain, plus rarement en Bresse), des estivants peuvent parfois être observés en très petits nombres mais aucun indice de reproduction n’a jamais été découvert.

Reproduction du fuligule morillon dans l'Ain

En période internuptiale, l’espèce fréquente toutes sortes de plans d’eau aux basses altitudes (retenues du haut Rhône ou de l’Ain, étangs dombistes, plans d’eau issus d’exploitations de granulats, lacs de Divonne-les-Bains ou de Nantua), exceptionnellement sur le relief : un aux étangs Marron (882 m) à Brénod le 18 novembre 2013.

Observation de fuligules morillons en période pré-nuptiale

Observations de fuligules morillons en période post-nuptiale

Cinq reprises d’oiseaux nés en Dombes sont connues : deux sur des lacs alpins suisses, une en Allemagne, une en Pologne et une, à l’opposé, dans les Bouches du Rhône.

Seize reprises "étrangères" sont connues dans l’Ain (haut Rhône, Dombes et Val de Saône). Un oiseau avait été marqué en Suède, un en Angleterre, un dans la Marne, trois en Allemagne. Les dix autres (tous en période internuptiale) provenaient de lacs suisses dont neuf pour le seul lac des Quatre cantons près de Luzern. Deux de ces oiseaux suisses détiennent les records de longévité pour des oiseaux retrouvés dans l’Ain (21 décembre 1985 au 11 mars 1994 et 9 décembre 1987 au 1^er septembre 2001).

HISTORIQUE

BERNARD (1909) trouve l’espèce commune, de passage régulier. Le Fuligule morillon est une acquisition récente de l’avifaune nicheuse de l’Ain. Le premier nid dombiste (et français) a été découvert en 1952, le second en 1963. Ensuite, l’espèce s’y est progressivement implantée pour compter environ 200 couples en 1980. Depuis, le Morillon y régresse indiscutablement : 180 couples au début des années 1990, environ 50 à leur fin. Il n’existe plus que 20 à 50 femelles reproductrices (qui occupent seulement 2,5 % des étangs) en ce début du 21^ème siècle. La comparaison de l’évolution de la fécondité moyenne du Morillon avec celle des autres Anatidés (Chipeau, Colvert, Milouin) suggère qu’il existe bien une dégradation croissante des conditions de reproduction de ces espèces en Dombes. Le maintien de zones favorables à la nidification à proximité immédiate des étangs est évidemment nécessaire. Ce canard se reproduisant très tardivement, l’adaptation des dates d’ouverture de la chasse à son calendrier de reproduction est indispensable. La création d’aménagements hydro-électriques sur le Rhône a créé des conditions favorables à l’hivernage en nombre de cette espèce. Pourtant, l’explosion biologique propice aux ressources trophiques semble s’être tassée sur ces plans d’eau. Il est loisible de se demander quelle est la responsabilité du réchauffement du climat estival local dans la régression de ce fuligule, d’affinité la plus "nordique" de ceux nichant en Dombes, mais aussi de s’interroger si la même cause, en mauvaise saison cette fois, n’est pas de nature à inciter les fuligules morillons à hiverner au nord de notre région : cette raison semble expliquer la forte diminution récente des effectifs hivernant en Suisse voisine.

BIBLIOGRAPHIE

BERNARD (H.) 1909. Catalogue des oiseaux vus dans l’Ain. Bull. Soc. Sci. Nat. Arch. Ain  54-55. 37 p.

BROYER (J.) (coord.) 2005. Reproduction des Anatidés en France. Bulletin n° 4. La saison 2005 dans les principales régions de nidification. 7 p.

Remerciements : les données de baguage nous ont aimablement été transmises par le CRBPO.