Photo Sabine LAURENCIN
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Nette rousse
Netta rufina
Cat. A
Auteur de la fiche : Alain BERNARD
Dernière mise à jour : janvier 2014
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STATUT GÉNÉRAL
Nidification régulière en Dombes, exceptionnelle ailleurs : Pays de Gex, haut Rhône, Plaine de l’Ain, Bresse. Hivernage en effectifs variables sur les mêmes sites.
CYCLE ANNUEL
Naguère, la plupart des mâles et des femelles non nicheuses quittaient la Dombes dès le milieu de l’été pour aller muer sur les lacs de Constance (Allemagne et Suisse). Depuis 1999, beaucoup de ces oiseaux, par exemple 209 individus le 28 juillet 2001 à Bouligneux, restent muer en Dombes, tendance qui semble se confirmer depuis.
En automne (octobre à décembre), les effectifs sont au plus bas localement. La Dombes n’est alors guère qu’une brève halte pour les nettes allant hiverner en Camargue et dans la Péninsule ibérique.
L’hivernage est essentiellement noté en Dombes et dans le Pays de Gex.
En Dombes, sur la période 1975-2014, 60 oiseaux en moyenne sont présents mi-janvier avec des extrêmes de 0 (10 années) et 308 en 2007. Une tendance marquée à la régularité (tous les ans depuis 1994) et à l’augmentation des effectifs (moyenne de 75 individus sur la période 1994-2013) est manifeste.
Ailleurs, l’hivernage était peu fréquent et ne concernait que quelques oiseaux. Cette situation s’est complètement modifiée depuis l’occupation durant l’hiver 1979-1980 du lac de Divonne-les-Bains qui devint le principal site d’hivernage dans l’Ain et dans le bassin lémanique. Là, les effectifs ont atteint 450 oiseaux le 20 février 1992, 659 le 23 janvier 2000, 728 le 21 décembre 2000 et même 820 le 3 janvier 1998. Depuis, ce site a perdu beaucoup de son intérêt pour l’espèce.
Au "printemps", des mouvements de nettes rousses sont parfois perceptibles dès mi-janvier mais les retours sur les lieux de reproduction culminent en février et mars, avec des maximums de 225 individus le 10 mars 2005 à Saint-Nizier-le-Désert et 420 le 27 février 2005 à Dompierre-sur-Veyle et le 14 mars 2012 à Saint-Paul-de-Varax. Des rassemblements d’adultes peuvent être observés jusque tard en saison : 214 le 18 avril puis 300 le 12 mai 2011 à Lapeyrouse, 171 à Lapeyrouse le 9 mai 1999, 178 à Lapeyrouse le 10 mai 2001, 152 à Marlieux le 18 juin 1998. Ces rassemblements ont généralement lieu sur de grands étangs pourvus d’une ceinture de végétation aquatique importante.
En Dombes, la répartition des nicheurs n’est pas homogène, l’espèce manifestant une nette tendance "agrégative". Certains étangs (souvent ceux qui ont connu des rassemblements quelques semaines plus tôt) retiennent de quelques couples à près d’une dizaine, alors que des secteurs voisins n’en hébergent aucun. Ces concentrations ne semblent pas résulter de la présence d’une colonie de Laridés ou de la mise en eau récente (première ou seconde année d’évolage). Par contre, la présence d’algues Characées, importante ressource alimentaire de la Nette et qui paraît influencer la rapidité de développement des jeunes (HAURI, 1989), pourrait être déterminante (BERNARD & CROUZIER, 2003).
Les pontes interviennent entre la dernière décade de mars et début juillet, parfois seulement à la fin de ce mois, avec un maximum en mai et juin. Des éclosions ont été notées entre un 16 avril (2003 à Sandrans) et un 23 août (1999 à Saint-Paul-de-Varax) et les derniers jeunes non volants ont été notés le 22 septembre 1984 (deux à Sandrans) et le 1er octobre 1985 (un à Birieux). Récemment, sur la période 2011-2013, les premiers poussins sont apparus le 6 mai en 2011 mais seulement le 26 mai en 2012 et le 29 mai en 2013.
Le nombre moyen de jeunes par famille était de 6,3 pour une centaine de familles notées jusqu’à la fin des années 1980. Plus récemment, cette valeur s’est nettement tassée puisqu’elle n’est plus que de 5,8 (n = 326 familles) pour la période de 1990 à 2000 et de 5,19 (n = 622) pour 2001 à 2013 avec des valeurs minimales de 4,21 en 2005 et même 3,41 en 2013, année caractérisée par un printemps froid ayant entraîné une très faible (seulement 24 familles recensées en Dombes) et tardive reproduction. Les familles les plus nombreuses comptaient treize (une en 1999, 2002 et 2003, deux en 2004) et quinze (une en 2006) poussins ; celle de vingt-et-un poussins observée en juillet 2002 à Villars-les-Dombes résultait de toute évidence du regroupement de plusieurs nichées.
L’un des faits marquants de la reproduction de la Nette (mais qui ne lui est pas particulier) en Dombes est sa propension, variable selon les années, au parasitisme. A la fin des années 1970 et au début des années 1980, c’est surtout le Fuligule milouin (Aythya ferina), alors l’Anatidé nicheur le plus abondant, qui jouait le rôle d’espèce d’accueil avec 3,8 % des familles touchées en 1984 (BERNARD, 1985) mais jamais plus de 3,2 % (2006) durant les années 1990 et 2000 (aucun cas en 1994, 1997, 2002 et 2004). Parallèlement, 10,3 % des familles de Fuligule morillon (Aythya fuligula) ont été touchées en 1984 (BERNARD, op. cit.), bien plus rarement à partir des années 1990. Le premier cas à l’encontre du Canard colvert (Anas platyrhynchos) a été constaté en 1991 puis de nouveau en 1994, 2001 (un cas chaque année), 2002 (huit cas), 2003 (quatre cas), 2004 et 2005 (un cas chaque année). Exceptionnellement, deux cas de parasitisme vis-à-vis du Canard chipeau (Anas strepera) ont été observés en 2004 et 2010, un en 2006, 2007 et 2008. Parfois, de jeunes nettes s’émancipent précocement (dès l’âge de 15-20 jours) et survivent. En 2002, deux canes de Colvert ont "adopté" des nettes (deux dans chaque cas) nettement moins âgées (environ 20 jours) que leurs poussins (BERNARD & CROUZIER, op. cit).
Les jeunes s’envolent entre début juin et le tout début de septembre, occasionnellement plus tard avec des dates tardives du 22 septembre 1984 (deux jeunes non volants à Sandrans) et du 1er octobre 1985 (un jeune non volant à Birieux).
Un oiseau bagué poussin en ex-Tchécoslovaquie a été repris en Dombes. Des poussins nés en Dombes ont fourni des reprises locales, dans la Loire, en Saône-et-Loire et en Ardèche. Des oiseaux en halte migratoire printanière marqués en Seine-et-Marne ont fourni des observations en Dombes et dans le Pays de Gex alors que des oiseaux marqués à la même saison dans la Plaine du Forez (Loire) ont été vus en Dombes lors de printemps suivants. Il semble bien qu’il y ait donc des échanges d’oiseaux entre les deux bastions rhônalpins de l’espèce.
HISTORIQUE
L’espèce semble avoir été inconnue dans l’Ain au début du 20ème siècle (BERNARD, 1909). Les premiers cas de reproduction en Dombes ont été observés vers 1910. Par la suite, les effectifs ont fortement fluctué. Ainsi, la reproduction était sporadique en 1938 (MEYLAN, 1938) mais largement répandue au milieu des années 1950. Les nicheurs étaient estimé à 160 couples en 1980 mais seulement une cinquantaine en 1985. Durant la dernière décennie du 20ème siècle, la population a de nouveau augmenté et se situait, selon les années, entre 100 et 150 couples. La Nette était alors considérée comme l’Anatidé (en dehors du Colvert largement sous transfusion cynégétique) s’en tirant le moins mal en Dombes. Les trois premières années du 21ème siècle ont confirmé cette impression. Toutefois, depuis 2004, les variations sont à nouveau importantes avec seulement cent familles estimées en 2005 mais deux cents à deux cent dix en 2007. Ces variations assez caractéristiques de l’espèce n’ont pas encore d’explication. La baisse globale de la fécondité et la reproduction catastrophique de 2013 incitent actuellement plutôt au pessimisme.
Ailleurs, l’espèce est apparue comme nicheuse en quelques points du département.
Un premier cas de reproduction (un seul poussin) a été constaté sur le lac de Divonne en 1998, suivi de trois familles en 2000, une en 2001, 2005, 2007, 2008, deux en 2009, une en 2010, deux en 2011, une en 2012 et 2013.
Le haut Rhône a été colonisé en 2011 : une famille à l’Etournel (01-74) où une seconde a été observée en 2013, une famille à Culoz, apparente reproduction à Massignieu-de-Rives. Une famille a également été signalée à Serrières-de-Briord en 2013. Plus au sud, une famille a été observée à Miribel en 2012. Globalement, de nombreux sites de la vallée voient maintenant l’estivage de petits groupes d’oiseaux et le renforcement de la population reproductrice est plausible.
La colonisation d’autres sites demeure très limitée. En Plaine de l’Ain, des séjours printaniers et estivaux en très petits effectifs sont désormais fréquents sur des lônes ou sur d’autres plans d’eau (étang, bassins de lagunage) mais la reproduction n’a été constatée qu’en 2010 et 2011 (une famille chaque fois) à Priay. La présence en belle saison en Bresse est limitée à de rares sites et un seul cas de reproduction est connu en 2011 à Saint-Denis-les-Bourg.
Photo Pierre CROUZIER
BIBLIOGRAPHIE
BERNARD (A.) 1985. Le parasitisme chez la Nette rousse (Netta rufina). L’Effraie, 3 : 33 – 34.
BERNARD (A.) & CROUZIER (P.) 2003. Rassemblements de couvées et parasitisme de nichées chez la Nette rousse Netta rufina en Dombes (Ain, France). Nos Oiseaux, 50 : 279-280.
BERNARD (H.) 1909. Catalogue des oiseaux vus dans l’Ain. Bull. Soc. Sci. Nat. Arch. Ain 54-55. 37 p.
HAURI (R.) 1989. Zum Vorkommen und zur Biologie der Kolbenente Netta rufina in der Schweiz 1974-1988, mit besonderer Berücksichtigung des Thunersees. Ornithol. Beob. 86 : 69-87.
MEYLAN (O.) 1938. Premiers résultats de l’exploration ornithologique de la Dombes. Alauda, 10 : 3-61.
Remerciements : une partie des données de baguage nous a aimablement été transmise par le CRBPO. Mme V. KELLER (Station ornithologique suisse) nous a transmis des documents sur l’hivernage de l’espèce sur le lac de Divonne-les-Bains.